Connaissance des Mondes Spirituels
Chapitre 5

Rav Michael Laitman

Traduction : Nelly Baron

 


L'action de l'homme qui oblige l'En-Haut à moins dévoiler Sa Toute-puissance, Sa lumière ("or hokhma") est désignée par le terme écran de hirik : l'homme diminue l'intensité du dévoilement de l'Intelligence supérieure, de la ligne gauche jusqu'au niveau qui lui permet de l'équilibrer avec sa foi, sa ligne droite.

La juste proportion obtenue entre la foi et la connaissance s'appelle l'équilibre spirituel, la ligne médiane. L'homme définit lui-même cet état qu'il souhaite obtenir.

Dans ce cas, l'homme existe déjà comme élément spirituel car il y a en lui une juste proportion de foi et de raison correspondant à la ligne médiane qui lui permet de parvenir à la perfection.

Cette partie de connaissance, de dévoilement, de ligne gauche que l'homme peut utiliser en fonction de l'intensité de sa foi, en fonction de sa ligne droite, en plaçant sa foi au-dessus de sa raison au moyen de la ligne médiane vient s'ajouter aux attributs spirituels qu'il a déjà acquis en phase de "katnout ". Le niveau spirituel atteint s'appelle "Gadlout", Niveau de plénitude, niveau haut.

Quand l'homme sera parvenu au niveau spirituel de plénitude, il se trouvera, grâce à ses attributs, en état d'égalité par rapport au premier degré, le plus bas de l'échelle spirituelle.

Comme nous l'avons déjà mentionné, tous les degrés de l'échelle sont imbriqués l'un dans l'autre, ils sont mutuellement empreints de leurs attributs respectifs. En parvenant au premier degré de plénitude, l'homme peut par conséquent trouver en lui une partie du degré supérieur et selon le même principe progresser vers le but de la création, pour parvenir à l'union totale avec le Créateur, au degré le plus élevé.

La progression spirituelle consiste à ce que chaque homme, dès qu'il décèle un accroissement du mal en lui, demande au Créateur de lui donner des forces pour le maîtriser. Il reçoit des forces sous la forme d'une lumière spirituelle plus intense jusqu'à ce qu'il atteigne le véritable niveau originel de son âme – après la réparation de tout son égoïsme devenu complètement empli de lumière.

Quand des pensées étrangères viennent à l'esprit de l'homme, celui-ci considère qu'elles le gênent dans sa progression vers le spirituel car elles l'affaiblissent, accaparent son intelligence et remplissent son cœur de mesquins désirs, il cesse de croire que la vraie vie est contenue dans la Torah.

Après avoir surmonté cet état malgré tout, il parvient à la lumière supérieure qui l'aide à s'élever encore plus. Les pensées étrangères sont un moyen pour l'homme de progresser.

Il n'est possible de surmonter les pensées parasites qu'avec l'aide du Créateur car l'homme ne peut travailler sur lui-même que s'il y voit un avantage personnel, quelle qu'en soit la forme.

Notre corps, notre cœur, notre raison ne comprennent pas quel avantage peut leur apporter l'altruisme aussi, dès que l'homme veut faire le moindre geste altruiste, il n'a pas la force d'agir ni par la raison, ni par le cœur, ni par le corps. Il ne lui reste plus qu'une seule chose, demander de l'aide au Créateur. Il est alors contraint de s'approcher du Créateur jusqu'à ce qu'il se fonde en Lui totalement.

L'homme n'a pas le droit de se plaindre de n'avoir pas été doté de suffisamment d'intelligence, de force ou de courage à la naissance ou bien de ce qu'il est dépourvu d'attributs que possèdent d'autres personnes car, s'il ne suit pas le bon chemin, ce sont des attributs qui ne serviront à rien. Il est possible qu'il devienne un grand savant, même un érudit en matière talmudique, s'il ne parvient pas à la relation avec le Créateur, il ne remplira pas sa fonction à l'instar de nombreuses personnes. L'essentiel est de parvenir au niveau de juste, car ce n'est qu'à ce moment que l'homme peut utiliser toutes ses aptitudes à bon escient et ne pas dépenser en vain ses forces. Au contraire même, les forces les plus infimes, les facultés qui lui sont données par le Créateur, l'homme peut les mettre en valeur en les dédiant au but suprême.

Si l'homme connaît une période d'abattement spirituel, il est inutile de le persuader de prendre courage, de lui dire des paroles pleines de sagesse, rien de ce qu'il entendra ne l'aidera. Les récits de ce que d'autres ont pu endurer, ressentir, leurs conseils, rien ne le relèvera car, tout simplement, il n'a plus la foi en quoi que ce soit, encore moins en ce à quoi sont arrivés d'autres!

Si l'homme se souvient de ses dialogues intérieurs quand il était dans une période de progression spirituelle, quand il était plein de vie et non spirituellement mort comme au moment présent, s'il se souvient de ses aspirations, de ses acquis spirituels, il pourra alors reprendre des forces. S'il se souvient qu'il avait la foi, qu'il plaçait cette foi au-dessus de sa raison et s'il se concentre sur ses souvenirs personnels, il pourra sortir de son état de mort spirituelle. L'homme doit s'appuyer sur ses propres souvenirs, sa propre expérience, c'est la seule chose qui peut l'aider à sortir de la torpeur spirituelle.

Le travail de l'homme qui s'est élevé à un certain degré spirituel consiste à procéder à une sélection dans ses sensations de plaisir et à faire en sorte que la partie de ces plaisirs qui ne peut pas être équilibrée par la foi soit jetée au loin. En Cabale, cette partie de plaisir que l'homme reçoit pour faire le délice de son Créateur aux fins de renforcer sa foi ne s'appelle pas autrement que "nourriture". Si l'homme n'est pas en mesure de se contrôler et désire avaler toute la nourriture, il est ce que la Cabale qualifie de "ivre" (d'un excédent de plaisir), il perd tout et se retrouve sans rien, ce que la Cabale qualifie de "pauvre".

Dans la vie, l'homme se voit expliquer ce qu'il a le droit et ce qu'il n'a pas le droit de faire, et s'il n'applique pas les instructions, il reçoit une punition. Si l'homme ne prévoit pas la douleur et la souffrance qui le menacent s'il enfreint la loi, il enfreindra celle-ci si, bien entendu, il éprouve du plaisir à cette enfreinte. Il sera ensuite puni pour qu'il sache qu'il ne faut pas agir ainsi à l'avenir.

Par exemple, il existe une loi qui interdit de voler de l'argent. Si un homme aspire à l'argent et qu'il sait qu'il peut en voler, même s'il sait qu'il peut être puni pour vol, il n'est pas en mesure d'évaluer toutes les souffrances dues à la punition. Il décidera donc que le plaisir de posséder l'argent est bien plus grand que les souffrances dues au châtiment. Quand il connaîtra les souffrances dues au châtiment, il verra qu'elles sont bien plus grandes qu'il le supposait et bien plus grandes que le plaisir procuré par le vol. Il observera alors la loi.

A sa libération, on lui dira que le châtiment sera bien plus grand s'il recommence, car l'homme oublie les souffrances qu'il a endurées. Quand il voudra voler à nouveau, il se rappellera que les souffrances seront bien plus élevées pour ce second vol, le choix lui est ainsi offert de s'empêcher de voler ou non.

Cet exemple sommaire parmi d'autres de la vie quotidienne que le lecteur pourra lui-même trouver dans son entourage montre que les souffrances conduisent l'homme à emprunter un chemin que les désirs de son égoïsme lui auraient interdit de choisir car il est bien plus facile de voler que de peiner pour gagner sa vie, plus facile de se reposer que de penser et de travailler, il est plus agréable de prendre du plaisir que de souffrir.

Si l'homme a choisi d'étudier la Torah et d'observer les commandements, il doit savoir que ces initiatives sont créées pour son bien. Autrement dit, il doit comprendre que son égoïsme est gagnant. Personne dans ce monde n'est capable de s'engager dans un travail absolument altruiste, non rémunéré par de l'argent, par des honneurs, par des plaisirs, par des promesses pour le futur.

L'homme est encore moins capable de travailler sans voir les conséquences de son travail, ses résultats, sans surveiller ce qu'il produit, ce qu'il donne à quelqu'un, ce que reçoit quelqu'un, sans voir pour qui il travaille, autrement dit, encore moins capable de faire des efforts dans le vide. Naturellement, notre raison et notre corps égoïstes opposent de la résistance à cet état de fait car ils ont été créés par le Créateur pour se délecter.

Seules les souffrances perçues par l'homme dans son environnement, induites par la perte complète du goût et du plus petit infime plaisir qu'elle peut procurer, par la totale conviction qu'il n'est pas en état de tirer de plaisir de quoi que ce soit (sous n'importe quelle forme: tranquillité, joies, etc.), obligent l'homme à désirer et à agir avec altruisme dans l'espoir de trouver son salut en empruntant ce nouveau chemin.

Bien qu'il ne s'agisse pas d'altruisme car le but de ses actes réside dans son bien-être et son salut, l'homme s'est néanmoins rapproché de l'altruisme auquel il viendra progressivement sous l'action de la lumière contenue dans ses actes.

En agissant avec altruisme pour soi-même, en donnant pour recevoir, l'homme commence à percevoir la lumière dissimulée dans ses actes, le plaisir, et cette lumière est de nature à réparer l'homme.

Dans la nature, nous pouvons observer la chose suivante: des pluies torrentielles se déversent sur la terre mais pas dans les endroits où il faut, par exemple au lieu des champs, dans le désert, ce qui sera parfaitement inutile; par contre de petites précipitations par endroits permettront des récoltes de fruits abondantes. Pour reprendre cette image, l'homme peut étudier la Torah sans s'arrêter, ne jamais voir les fruits de son étude, c'est-à-dire la connaissance du Créateur, ou bien au contraire, loin de faire autant d'efforts il fera une récolte extraordinaire en étudiant juste ce qui est nécessaire au moyen de la Cabale.

Il en est de même avec l'étude de la Cabale, si elle est dédiée à la recherche du Créateur et non à l'acquisition de connaissances, les bienfaits vivifiants de la Torah se déverseront là où il faut car ils ont été donnés à cette fin. Si l'homme étudie pour accumuler des connaissances ou bien, ce qui est encore pire, pour montrer son intelligence et s'en enorgueillir, même la Cabale ne donnera aucun fruit, elle pourra seulement montrer à l'homme le but à se fixer pour étudier, celui-ci fera ensuite des efforts personnels pour continuer.

L'homme qui étudie la Cabale concentre en permanence sa pensée car l'ensemble de son travail consiste justement à imposer une bonne orientation à ses pensées et à ses actes pour qu'ils forment un seul et même tout avec le but suprême de la création, d'autant plus qu'il n'existe pas de moyen plus fort pour se rapprocher du spirituel que la Cabale.

"L'Egypte" dans la Torah est la personnification de l'empire de notre égoïsme (c'est pourquoi "Mitsraïm" provient des mots "mits -ra " - concentration du mal), "Amalek" est une tribu qui a combattu Israël (des mots "isr-iashar "-droit et "el "-le Créateur, autrement dit ceux qui veulent se tourner vers le Créateur), et la personnification de notre égoïsme qui en aucun cas ne souhaite que nous lui échappions.

L'égoïsme se manifeste dans les sensations (il les assaille) de l'homme qui souhaite sortir de l'exil qu'est son égoïsme "égyptien". Amalek survient dès le début de son chemin.

C'est à certains élus que le Créateur fait ressentir un accroissement de leur égoïsme et il leur donne le désir de Le connaître, Il envoie Amalek à Israël pour que celui-ci éprouve le besoin de se rapprocher du Créateur et non pas seulement celui de s'améliorer, par exemple de faire preuve tout simplement de "bonté".

Ces élus commencent alors à éprouver de grandes difficultés pour s'améliorer, leur désir d'étudier, d'une très grande force naguère, disparaît, leurs corps s'alourdissent au moment d'accomplir le moindre geste.

La lutte avec le corps correspond en principe au fait que le corps (la raison, notre "moi") souhaite comprendre qui est le Créateur, où aller et dans quel but, et savoir si chacun de ses efforts sera récompensé. Ni notre raison, ni notre corps ne fournissent sans fondement l'énergie et la motivation pour faire quoi que ce soit, et c'est à juste titre car n'est-il pas stupide de faire quelque chose sans rien savoir d'avance?

Il n'y a pas d'autre moyen de sortir de notre nature, pour pénétrer dans l'anti-monde spirituel, que d'acquérir une autre raison et d'autres désirs correspondant à cet anti-monde. Ceux-ci sont opposés aux nôtres, car tout ce que nous connaissons, tout ce que nous ressentons, tout ce qui constitue le tableau de ce que nous appelons notre monde, correspond à des notions dictées par notre raison et notre cœur égoïste.

Ce n'est qu'après les avoir transformés en leur contraire, après avoir transformé la raison en foi et le prendre en donner, que nous pouvons pénétrer les mondes spirituels.

Comme nous ne sommes dotés que des instruments avec lesquels nous avons été créés, notre raison et notre égoïsme, notre raison étant au service de notre égoïsme, ce n'est que de l'extérieur, que du Créateur, que nous pouvons recevoir d'autres instruments pour notre raison et nos sens.

C'est pourquoi Il nous "attire" vers Lui tout en nous montrant que nous ne sommes pas en mesure de nous refaire par nous-mêmes. Bon gré mal gré, nous devons chercher le lien avec notre Créateur, c'est le gage de notre salut spirituel.

L'homme ne doit pas demander au Créateur d'avoir la possibilité de Le ressentir, d'assister à des miracles, ce qui lui permettrait de lutter contre son propre moi, pour que cela lui donne des forces au lieu d'éprouver une foi aveugle en la grandeur du spirituel. La Torah l'avertit par l'exemple suivant: aussitôt après la sortie d'Egypte, Amalek assaille l'homme, et c'est seulement en levant les bras et en demandant la force de la foi que Moshé en est vainqueur.

Notre progression spirituelle nous permet de recevoir en permanence une part de raison supérieure allant grandissant à chaque degré gravi. Nous devons sans cesse accroître la force de notre foi pour qu'elle soit supérieure à notre raison sinon nous retombons sous l'emprise de notre égoïsme, et il en est ainsi tant que nous ne nous faisons pas un seul et même tout avec le Créateur.

C'est alors que nous parvenons à la connaissance absolue, à la perception maximale de la lumière (or hokhma ) sans gradation aucune, ainsi qu'il est dit dans la Torah "que la lumière soit et la lumière fut" ou bien comme le formule la Cabale "au commencement de la création, tout n'était que lumière". Cela signifie que lorsque la lumière brille pour tous sans distinction de niveau, tout est absolument clair, il n'y a ni commencement, ni fin, aucune nuance, tout est parfaitement compréhensible.

Il y a le chemin de la Torah et la Torah elle-même. Le chemin de la Torah est une période difficile, un changement radical de l'approche de la vie, une recherche de soi, de sa nature, une définition précise de l'orientation à donner à ses désirs, une perception juste de la motivation à l'origine des actions, des efforts faits pour surmonter les désirs du corps et les exigences de la raison, une parfaite conscience de son égoïsme, une longue période de souffrances dans la recherche de l'assouvissement des désirs, de déception devant l'impossibilité de trouver une "substance pour remplir" ses aspirations, la conscience que la véritable fuite pour s'éloigner de la source des souffrances, de l'égoïsme, réside dans l'altruisme des pensées, une sensation de douceur à la pensée du Créateur au point de ne plus désirer que penser à Lui.

Ce n'est qu'après avoir traversé toutes ces périodes préliminaires de développement spirituel qui correspondent au chemin de la Torah, que l'homme comprend la Torah, cette lumière supérieure qui brille pour lui de plus en plus à mesure de sa progression sur les degrés de l'échelle spirituelle qui le mènent à l'union totale avec le Créateur.

Notre chemin est composé de deux parties: le chemin de la Torah et la Torah proprement dite. Le chemin de la Torah correspond à la période de la préparation de nouvelles pensées et de nouveaux désirs au cours de laquelle l'homme éprouve des souffrances. Après ce passage, après ce couloir qui mène au Créateur, l'homme pénètre les mondes spirituels, le royaume de la lumière, il atteint le but de la création, la Torah, il ressent totalement le Créateur.

Par génération du déluge, on entend la période de travail qui se fait dans le cœur, par "génération des bâtisseurs de la tour de Babel", celle du travail effectué au moyen de la raison.

Nous désirons tous éprouver du plaisir depuis le premier instant de notre vie jusqu'au dernier. La différence entre chacun de nous réside en fait dans la forme sous laquelle l'homme désire éprouver le plaisir, celui-ci étant spirituel dans son essence même. Ce n'est que notre écorce externe qui nous donne l'illusion de sa matérialité.

Nous aspirons inconsciemment à changer l'écorce externe (le vêtement) de notre plaisir en espérant le ressentir dans la lumière pure du Créateur. Les écorces du plaisir auquel aspirent les hommes étant différentes, nous leur attribuons des dénominations différentes. Certaines formes de plaisir sont considérées comme normales, acceptables, par exemple, l'amour pour les enfants, la nourriture, la chaleur, etc., certaines ne sont pas acceptées par la société, par exemple la drogue, et obligent le plus souvent l'homme à cacher qu'il s'y adonne.

L'humanité tout entière accepte tacitement l'utilisation de son égoïsme sans gêne aucune dans les limites conventionnelles. Il est à noter que les limites de l'utilisation par chacun de son égoïsme et la mode des meilleures écorces changent à mesure que la société se développe. Et chacun de nous, en fonction de son âge, c'est-à-dire sous l'action "naturelle" du Créateur change ses écorces qui correspondent aux moyens pour lui de satisfaire ses besoins en plaisir.

La mue, le changement d'écorce est parfois visible chez un individu. Par exemple, une petite fille a du plaisir à jouer avec sa poupée, mais elle n'aimera pas s'occuper d'un vrai bébé; sa mère, elle, n'éprouvera aucun plaisir à jouer à la poupée, elle pourra cependant convaincre sa fille d'aimer s'occuper d'un bébé.

La petite fille pense, pour autant que sa compréhension du monde pourrait le lui permettre, qu'il n'est pas facile pour sa mère de s'occuper de son enfant, qu'elle n'en retire aucun plaisir.

On comprend le raisonnement de l'enfant car elle n'est pas encore à l'âge où elle peut trouver du plaisir dans de vrais objets, mais elle le trouve dans des jouets, autrement dit dans le factice.

Nous aspirons tous au plaisir que nous donne le Créateur. Nous ne pouvons que Le désirer et percevoir la vie à travers notre désir. Nous ne sommes pas différents en cela de nos âmes avant leur descente dans notre monde et leur incarnation, non plus qu'après toutes leurs migrations une fois revenues au Créateur. Nous sommes ainsi faits que nous aspirons au plaisir de recevoir la lumière qui émane de Lui, c'est immuable. Tout ce qui nous est demandé, ce pour quoi nous a créés le Créateur, c'est que nous changions l'écorce externe de nos plaisirs, que la poupée devienne un véritable enfant et que nous en éprouvions du plaisir.

Comme un enfant pendant la tétée, l'homme souhaite, ne souhaite recevoir que ce qu'il veut. Il accepte de faire des efforts s'il est sûr qu'au bout du compte, il éprouvera du plaisir. Si l'homme souhaite travailler sur lui-même, en étudiant la Torah, son corps aussitôt demande: pour quelle raison fais-tu cela?

Il peut être fait quatre réponses à ce discours:

  1. Pour agacer autrui, le plus mauvais but car il signifie aspirer à causer des souffrances à autrui.
  2. Pour devenir un grand érudit, avoir des fonctions importantes, les honneurs, de l'argent, faire un mariage réussi, ce but est meilleur que le précédent car des gens peuvent en bénéficier, c'est ce cas de figure qui correspond au travail pour les autres car ceux-ci le payent.
  3. Pour que seul le Créateur ait connaissance de son étude et de son travail sur lui-même, non pour que les hommes le sachent, non pour recevoir les honneurs des hommes mais pour que le Créateur l'élève. Cela s'appelle travailler pour le Créateur car une récompense est attendue du Créateur.
  4. Pour que les fruits du travail accompli soient dédiés au Créateur sans retour aucun. L'égoïsme demande alors: quel profit vas-tu en tirer? L'homme n'a rien à répondre, il va à l'encontre de sa raison et de ses sentiments, autrement dit, il est au-dessus de sa raison et de ses sentiments (lemala mi daat ).

Le travail de l'homme consiste à écarter sa raison et ses sentiments de la critique et de la vérification du degré où il se trouve pour faire confiance totalement au Créateur et concentrer tous ses efforts pour que ses pensées et ses sentiments soient en permanence orientés vers le Créateur et la grandeur spirituelle. En réponse à toutes les sollicitations de la voix de sa raison avec les arguments que celle-ci avance sur la nécessité de s'occuper de toutes sortes de problèmes de la vie quotidienne, l'homme accomplit tout ce qui lui est demandé mais toutes ses pensées et tous ses désirs sont orientés vers le bien du Créateur. Cet homme ne désire pas entendre les critiques de sa voix intérieure. Il est comme suspendu en l'air sans point d'appui raisonnable, cette situation s'appelle être au-dessus de sa raison et de ses sentiments "lemala mi daat ".

Plus l'homme éprouve de plaisir à posséder quelque chose, plus ce quelque chose lui est cher, et plus ce quelque chose lui est cher, plus grande est la peur de le perdre.

Comment l'homme peut-il parvenir à la prise de conscience et au sentiment de l'importance du spirituel s'il ne les a jamais éprouvés? Il peut y arriver en faisant des efforts justement pendant ses moments de vide spirituel, quand il s'inquiète de n'éprouver aucune émotion vis à vis de la magnificence spirituelle, d'être très éloigné du Créateur, de ne pas pouvoir changer.

Les efforts que fait l'homme dans ce cas, efforts appelés travail quotidien, font naître en lui l'impression d'essentiel liée aux sensations spirituelles, ce qui correspond au shabbat , période où il n'a pas besoin (où le cinquième des Dix Commandements le lui interdit) de travailler sur lui-même, mais où il doit seulement observer (leshabat ) pour ne pas perdre ce cadeau du Créateur.

On sait que si l'homme est personnellement impliqué dans quelque chose, il ne peut plus en juger objectivement, quoi qu'il arrive. C'est pourquoi si on dit franchement à un homme qu'il ne se conduit pas bien, il ne sera jamais d'accord car cela lui est plus facile que de le reconnaître, et parce qu'il est sûr qu'il agit bien.

Si l'homme s'engage donc à agir comme il lui est demandé, il découvre peu à peu que la VÉrité n'est pas dans ses actes et ses pensées passées mais dans ce qui lui est conseillé. Ce principe est désigné dans la Torah par la phrase "naassé ve nishma ".

Le but du Créateur étant de procurer du plaisir aux créations (telles que nous sommes, toutes les autres n'ont été créées par Lui que dans un but auxiliaire), tant que l'homme ne ressent pas la perfection dans la délectation et peut trouver en elle une insuffisance (en qualité, en intensité, dans sa durée, etc.), cela signifie qu'il n'a pas atteint le but de la création.

Pour se délecter, se conformer au but de la création, il faut auparavant réparer le désir d'éprouver du plaisir, et ceci parce que le Créateur le souhaite. L'homme ne doit pas se concentrer sur la recherche du plaisir. Dès qu'il aura effectué sa réparation, il aura immédiatement la sensation de celui-ci, il doit simplement procéder à sa réparation.

Cette situation est pareille à l'homme qui souhaite acheter un appartement. Il ne doit pas penser à la manière dont il va emménager, mais comment il va le payer, comment il va gagner l'argent car c'est uniquement quand il aura l'argent qu'il pourra acheter l'appartement. Tous les efforts doivent donc être faits dans le but d'obtenir de l'argent et non un appartement.

Il en est de même pour la connaissance des mondes spirituels. Tous les efforts doivent être concentrés sur la création des conditions pour recevoir la lumière, et non pas pour bénéficier de la lumière elle-même, autrement dit pour créer des pensées et des désirs altruistes. C'est alors que le plaisir spirituel se fera sentir.

L'humanité est constamment dans l'erreur et n'en tire guère de leçons. L'accumulation des souffrances se fait néanmoins dans l'âme universelle et non dans les corps périssables, ceci est un aspect positif du progrès qu'elle connaît.

Par conséquent, aucune souffrance ne disparaît. Au cours d'une migration ultérieure dans ce monde, elle amène le corps humain à créer les conditions pour chercher un moyen de se débarrasser des souffrances en s'élevant spirituellement.

Par rapport à nous, les mondes spirituels peuvent être à juste titre nommés anti-mondes car dans notre monde toutes les lois de la nature sont construites sur l'égoïsme, l'aspiration à saisir et à comprendre. Les mondes spirituels, eux, se caractérisent par leur altruisme absolu, par l'aspiration à donner et àcroire.

Ces deux pôles sont tellement opposés qu'il n'y a aucune similitude entre les deux et que toutes nos tentatives de se représenter ce qui s'y passe ne nous en donnera aucune idée, la plus petite soit-elle. Ce n'est qu'en transformant les désirs de nos cœurs, le "prendre" en "donner" et celui de "comprendre" en "croire" au mépris de l'intelligence, que nous pourrons ressentir les mondes spirituels.

Ces deux désirs sont liés, bien que le désir de saisir se trouve dans le cœur et que le désir de comprendre dans le cerveau. Ils ont tous deux l'égoïsme pour base.

Il est dit en Cabale que la naissance d'un élément spirituel se fait dans l'ordre suivant: "le p?re fait sortir la mère" pour mettre au monde un fils: la perfection "fait sortir" la raison hors de son analyse du monde environnant pour la remplacer par une nouvelle, spirituelle, indépendante des désirs et, par conséquent, authentiquement objective.

La foi en le Créateur est simplement insuffisante. Mais ce n'est pas tout, notre foi doit être dédiée au Créateur et non à notre propre bien- être.

N'est digne du nom de prière que la demande formulée au Créateur dans le but de susciter en Lui le désir d'aider celui qui prie à ressentir la grandeur et la magnificence du Créateur. Ce n'est qu'à l'appel de ce désir que réagit le Créateur en élevant l'homme dans les mondes spirituels et en lui dévoilant toute Sa grandeur; c'est alors que des forces sont données à l'homme pour l'élever au-dessus de sa nature.

Une fois rempli de la lumière du Créateur qui donne la force de s'opposer à sa nature égoïste, l'homme a la sensation qu'il est parvenu à l'éternité car rien ne peut plus changer en lui et jamais il ne revient à l'égoïsme, il vit hors de la dimension du temps dans le monde spirituel. Il y a équilibre dans perception du présent et du futur, l'homme a le sentiment d'être parvenu à l'éternité.

Notre Créateur est absolument immuable, et nous, ses créations, aspirons à la sérénité, à recevoir ce que nous désirons. Le Créateur a créé deux forces pour notre développement: l'une qui nous fait reculer, autrement dit les souffrances qui nous obligent à fuir notre état, une deuxième qui nous attire, qui nous fait aller de l'avant vers le plaisir. Ces deux forces simultanément, pas séparément, peuvent nous faire bouger, nous obliger à agir.

En aucun cas l'homme ne doit se plaindre que le Créateur l'a créé paresseux, qu'Il l'a doté d'une nature qui fait qu'il lui est difficile de bouger. Au contraire, un paresseux n'aspire pas sans raison et de manière impulsive aux petites choses de la vie, il évalue longuement les situations, se demande s'il faut faire des efforts pour obtenir ce qui l'attire.

L'homme ne fuit pas immédiatement les souffrances, il évalue pour quelle raison et dans quel but il souffre, il en tire des leçons pour éviter que, dans le futur, elles l'obligent à agir et à bouger, ce qui lui est pénible.

L'homme aimerait utiliser son égoïsme dans toutes les circonstances de la vie, son entourage ne le lui permet pas. Toutes nos lois sociales sont construites aux fins de trouver un terrain d'entente mutuel permettant l'utilisation de l'égoïsme de chacun en portant le moins de préjudice à autrui. Dans tous les cas de figure, nous souhaitons toujours tirer le maximum: le vendeur aimerait être payé sans remettre la marchandise pour autant, l'acheteur aimerait avoir la marchandise gratuitement. Les patrons rêvent d'employer de la main d'œuvre à titre gracieux, les employés voudraient percevoir un salaire sans travailler.

Nos désirs peuvent se mesurer à l'intensité des souffrances dues à l'absence de ce que nous souhaitons: plus grande est la souffrance provoquée par le manque de l'objet souhaité, plus grand est par conséquent le désir de le posséder.

Il est dit que "C'est le désir du Créateur de vivre dans les créatures d'En-bas", créer ces conditions est le but de la création et notre rôle.

L'idolâtrie ("avoda zara") est une inclination à suivre les désirs égoïstes du corps, à l'opposé du travail spirituel, "avodat haShem", "avodat haKodesh", qui correspond à la poursuite de désirs ou d'objectifs altruistes.

L'union spirituelle consiste à comparer les attributs de deux éléments spirituels.

L'amour spirituel signifie la recherche de l'union complète. Comme il s'agit de l'union de deux attributs opposés, de l'homme et du Créateur, pour contrôler s'il s'agit d'amour ou de soumission, l'homme doit se demander s'il a en lui le désir de revenir à l'emprise de ses désirs. Cette question est naturellement le signe qu'il aime véritablement le Créateur.

Si les attributs sont en harmonie, cela témoigne de la joie du Créateur d'être uni à la création, et l'homme éprouve de la joie à donner au Créateur.

Le retour "teshouva" signifie que l'homme dans ce monde et au cours de son existence reviendra au degré spirituel auquel se situait son âme au moment de sa création (l'état du premier homme avant le péché originel).

Il y a deux organes qui permettent d'agir, deux principes d'action en l'homme, l'intelligence et le cœur, la pensée et le désir. L'homme doit travailler à transformer leurs principes égoïstes pour les faire devenir altruistes.

Nous ressentons tous nos plaisirs dans le cœur. Si l'homme sent qu'il peut rejeter tout plaisir terrestre et si un plaisir lui est réservé à lui personnellement, il mérite de se délecter véritablement car, dans ce cas, il n'utilise plus son égoïsme.

L'intelligence n'éprouve pas de plaisir à comprendre ce qu'elle fait. Si l'homme peut réaliser quelque chose sans comprendre, et avoir la foi pour lutter contre ce que lui dicte sa raison, il avance alors en plaçant sa foi au-dessus de sa raison. Cela signifie qu'il a éliminé son égoïsme et peut agir selon la raison du Créateur, non selon sa propre intelligence.

La lumière du Créateur pénètre l'ensemble de la création et notamment notre monde bien que nous ne la percevions aucunement. Cette lumière est nommée lumière qui anime la création. Grâce à cette lumière, la création, les mondes existent sinon, la vie s'arrêterait, et aussi la matière dont ils sont constitués. Cette lumière transparaît dans l'action de toutes sortes d'éléments matériels et des phénomènes de notre monde.

Tout ce qui nous entoure et nous-mêmes ne sommes rien d'autre que la lumière du Créateur. Elle est présente dans la Torah, dans la matière et dans la créature la plus grossière. La différence n'est perceptible que de nous qui ne voyons que les écorces externes, le vêtement de la lumière. En fait, une force agit dans toutes les créations, la lumière du Créateur.

La plupart des hommes n'ont la perception que du vêtement externe de la lumière du Créateur. Il y a des hommes qui ne ressentent la lumière du Créateur que dans la Torah. Il y a des hommes qui ressentent la lumière du Créateur dans tout ce qui les entoure, qui ont le sentiment que tout est lumière émanant du Créateur et emplissant le moindre espace.

Le Créateur a décidé de créer l'homme dans notre monde pour que des profondeurs de son état originel, il puisse s'élever spirituellement jusqu'au niveau du Créateur, devenir identique au Créateur. Le Créateur a par conséquent créé l'égoïsme, le désir de se délecter. Cette sensation d'égoïsme est appelée la création originelle.

Le Créateur étant lumière, naturellement, la création originelle fut emplie de lumière-délectation.

Cela signifie qu'au commencement de la création, la lumière-délectation emplissait l'espace- égoïsme créé, elle l'emplissait complètement jusqu'à satiété.

 

 

 

Traduction : Nelly Baron ©